La fenêtre anabolique : quelles sont les recommandations actuelles ?

Définition du concept

Le concept de la ‘’fenêtre anabolique post-entrainement’’ est une stratégie alimentaire qui consiste à dire qu’il existe un temps idéal après l’entrainement pour l’ingestion de protéines avec/sans glucides afin d’optimiser l’hypertrophie musculaire. Cette période est souvent décrite comme inférieure à au moins 1h post-entrainement. Le fait d’ingérer ses nutriments (protéines avec/sans glucides) pendant cette période permettrait de débuter de manière adéquate la récupération des tissus musculaires endommagés et de restaurer les réserves énergétiques, notamment au niveau du glycogène. De plus, le corps le ferait également en surcompensation des valeurs initiales ce qui pourrait augmenter la croissance musculaire et la performance sur le long terme.

Certains relatent que retarder la prise de protéines au-delà de cette fenêtre d’exploitation, pourrait ralentir la prise de masse musculaire et même la compromettre. De nos jours, c’est un concept souvent remis en cause parce qu’il existe de nombreuses études dont les résultats s’y opposent. En tant que pratiquant de musculation, on tente d’être le plus rigoureux possible dans nos entrainements et notre alimentation afin extraire le plus de performance possible. Dans la suite de cet article, je vais tenter de t’éclaircir ce concept et surtout de te proposer une manière d’exploiter ses résultats pour votre pratique sportive (musculation ou autre).

Origine du concept

L’origine de ce concept prend principalement naissance de certaines études qui ont montré une meilleure augmentation de la synthèse protéique lorsque la source de protéine était consommée directement en comparaison à une ingestion retardée post entrainement. Il faut tout de même préciser que ces études ont été réalisées à court terme sur seulement une séance. Une des raisons qui expliquerait cela, c’est qu’il y aurait une augmentation de la capacité des muscles à absorber et à métaboliser les différents nutriments. En d’autres termes, de base, la consommation de protéine augmente la synthèse protéique, et celle-ci serait encore plus stimulée par un précédent effort physique.

En pratique, les études effectuées à court terme s’opposent parfois en montrant des résultats contradictoires. Certaines études exposent une meilleure augmentation de la synthèse protéique lorsque les protéines sont consommées immédiatement post entrainement, certaines ne dévoilent aucune différence entre pré et post-entrainement et il y en a même une qui met en évidence une meilleure synthèse protéique lorsqu’un mélange de protéine/glucide est consommé en pré-entrainement par rapport à une prise immédiate de ce même supplément en post-entrainement. Lorsqu’on regarde l’existence de ses résultats conflictuels, il est normal d’avoir un doute quant à l’existence d’une fenêtre anabolique post-entrainement avec une durée d’exploitation étroite (45-60min) pour la consommation de protéines.

 

De plus, l’augmentation unique à un temps précis de la synthèse protéique, comme effectuée dans les études précédentes, n’est pas forcément corrélée à une augmentation de la masse musculaire sur le long terme. De ce fait, il serait intéressant d’investiguer l’impact du moment de la prise de protéine autour de l’entrainement sur le long terme ainsi que ses effets sur l’hypertrophie musculaire.

Investigation des effets à long terme

Une récente étude de Schoenfeld, spécialiste en musculation, a testé le concept de la fenêtre anabolique sur 21 sujets entrainés en analysant la force et la masse musculaire en réponse à une consommation immédiate de 25gr de protéine avant ou après l’entrainement de renforcement musculaire. Au bout de 10 semaines d’entrainement, ils n’ont constaté aucune différence sur les paramètres analysés lorsque le mélange protéiné était consommé immédiatement avant ou après l’entrainement. Toutefois, il faut prendre en considération que les sujets étaient en déficit calorique
malgré l’existence d’une consigne qui était de maintenir un surplus calorique pendant l’étude. Effectivement, on sait qu’un déficit calorique maintenu est délétère pour une optimisation de la synthèse protéique.

Toutefois, il existe des études qui attestent de l’importance du timing en ce qui concerne la consommation des protéines, toujours dans le but d’avoir de meilleurs résultats. C’est notamment le cas d’une étude mené par Cribb, chercheur australien reconnu dans le milieu du fitness, qui investigue la différence entre la consommation d’un mélange de protéine/glucide/créatine (40gr/43gr/7gr) immédiatement avant et après l’entrainement (groupe Avant-Après) par rapport à une consommation éloignée de l’entrainement (groupe Matin-Soir). À la fin des 10 semaines du programme de renforcement musculaire, le groupe Avant-Après a montré une augmentation significative de la masse musculaire ainsi que de la force par rapport au groupe Matin-Soir.

En 2009, Hoffman et son équipe de chercheurs ont également analysé la différence entre la consommation instantanée d’un mélange de protéine/glucide (42gr/2gr) avant et après l’entrainement (groupe Avant-Après) par rapport à une consommation éloignée de l’entrainement (groupe Matin-Soir). À la fin des 10 semaines du programme de renforcement musculaire, ils remarquent que les 2 groupes progressent, mais ils ne constatent aucune différence significative entre les 2 groupes contrairement à l’étude précédente (Cribb, 2006). À la vue de ces résultats, ils pensent que la faible quantité de glucides pourrait expliquer en partie ce manque de différence.

 

En effet, la consommation de glucides post-entrainement optimiserait la synthèse en glycogène et augmenterait la synthèse protéique en inhibant le catabolisme protéique (dégradation de protéines). Cependant, dans cette seconde étude, la quantité de glucides est faible (2gr) lorsqu’on la compare avec la première étude de Cribb où la quantité est plus importante (43gr). De ce fait, dans cette étude (Hoffman,2009), le groupe Avant-Après n’aurait pas pu bénéficier de cette possible fenêtre d’exploitation qui existerait après l’entrainement.

Toutefois, il faut également mettre en évidence une autre étude, celle de Hulmi et ses collègues en 2015, qui ont analysé la prise de protéine (30gr) isolée après l’entrainement par rapport à un autre groupe qui prenait en plus de la maltodextrine (35gr) qui est une source de glucide rapide. Après 12 semaines du programme de renforcement musculaire, ils n’ont trouvé aucune différence significative entre ces 2 groupes en ce qui concerne la prise de muscle et l’augmentation de la force. Ces résultats mettent en doute le principe selon lequel, il y aurait une optimisation de la synthèse protéique lorsqu’une source de glucide est ajoutée aux protéines après l’entrainement.

Les recommandations en pratique

Au regard de ces différentes études, il en ressort qu’il n’y aurait pas d’avantage à consommer sa source de protéine immédiatement après l’entrainement en comparaison à avant. En effet, la réponse anabolique d’un repas riche en protéine peut durer jusqu’à 6 heures. De ce fait, si vous avez mangé votre repas riche en protéine avant l’entrainement (3h-4h), vous ne seriez pas dans le besoin ultime de consommer votre source de protéine immédiatement après l’entrainement. En revanche, si vous vous entrainez directement après le travail ou bien avant le repas, et que le repas précédent date de plus de 4h avant l’entrainement. Dans ce genre de situation, il est fortement recommandé de consommer votre source de protéine immédiatement post entrainement pour limiter l’effet catabolique de votre séance et favoriser l’anabolisme.

À la vue de la complexité de l’optimisation de la fenêtre anabolique et dans une démarche de stratégie alimentaire précautionneuse, il est recommandé de consommer une source de protéine à l’équivalent de 0,4-0,5 g/kg de masse maigre avant et après l’entrainement. Idéalement, les 2 repas autour de l’entrainement ne devraient pas être séparés de plus de 3-4 heures. Si la séance de musculation dure environ 60 minutes, il faudrait consommer sa source de protéine endéans une période 90 minutes avant et après l’entrainement afin de maximiser la croissance musculaire. Par exemple, si vous pesez 80kg, vous pouvez consommer un repas contenant approximativement 32-40g de protéines avant et après votre séance. En plus de cela, l’ajout d’une source de glucide pourrait également favoriser l’anabolisme, c’est pourquoi il est également proposé de consommer une quantité de glucide égale, voire supérieure à la quantité de protéine.

Puisque les résultats des dernières recherches sur le sujet ne sont pas très clairs, ce serait une stratégie alimentaire efficace et prudente pour les personnes qui pratiquent la musculation dont le but est l’hypertrophie musculaire et le gain de force. Nonobstant le fait que le timing de la consommation de protéine joue un rôle dans l’optimisation de l’hypertrophie musculaire, il ne serait pas aussi important que certaines personnes le prétendent. En effet, la consommation totale journalière de protéine est un des facteurs majeurs, si ce n’est pas le plus important, pour le développement de la masse musculaire. Cette quantité totale de protéine doit également être répartie de manière uniforme au cours de la journée afin de maintenir un taux de protéines conséquent dans la circulation sanguine. En effet, les protéines ne peuvent pas être stockées par l’organisme, soit elles sont utilisées, soit elles évacuée via l’urine.

À des fins d’optimisation de l’hypertrophie musculaire, les études recommandent une consommation totale journalière de protéine de l’ordre de 1,6 à 2,2 g/kg de masse maigre.

Sources :

1.  Aragon, A. A., & Schoenfeld, B. J. (2013). Nutrient timing revisited : is there a post-exercise anabolic window ? Journal of the International Society of Sports Nutrition, 10(1).

2. Arent, S. M., Cintineo, H. P., McFadden, B. A., Chandler, A. J., & Arent, M. A. (2020). Nutrient Timing : A Garage Door of Opportunity ? Nutrients, 12(7), 1948.

3. CRIBB, P. J., & HAYES, A. (2006). Effects of Supplement Timing and Resistance Exercise on Skeletal Muscle Hypertrophy. Medicine & Science in Sports & Exercise, 38(11), 1918‑1925.

4. Hoffman, J. R., Ratamess, N. A., Tranchina, C. P., Rashti, S. L., Kang, J., & Faigenbaum, A. D. (2009). Effect of Protein-Supplement Timing on Strength, Power, and Body-Composition Changes in Resistance-Trained Men. International Journal of Sport Nutrition and Exercise Metabolism, 19(2), 172‑185.

5. Hulmi, J. J., Laakso, M., Mero, A. A., Häkkinen, K., Ahtiainen, J. P., & Peltonen, H. (2015). The effects of whey protein with or without carbohydrates on resistance training adaptations. Journal of the International Society of Sports Nutrition, 12(1).

6. Levenhagen, D. K., Gresham, J. D., Carlson, M. G., Maron, D. J., Borel, M. J., & Flakoll, P. J. (2001). Postexercise nutrient intake timing in humans is critical to recovery of leg glucose and protein homeostasis. American Journal of Physiology-Endocrinology and Metabolism, 280(6), E982‑E993.

7. Schoenfeld, B. J., & Aragon, A. A. (2018). Is There a Postworkout Anabolic Window of Opportunity for Nutrient Consumption ? Clearing up Controversies. Journal of Orthopaedic & ; Sports Physical Therapy, 48(12), 911‑914.

8. Schoenfeld, B. J., Aragon, A., Wilborn, C., Urbina, S. L., Hayward, S. E., & Krieger, J. (2017). Pre- versus post-exercise protein intake has similar effects on muscular adaptations. PeerJ, 5,